A Marseillaise for our age
[This blog is normally in English, but today’s article is particularly relevant to French speakers. The topic: freeing a national anthem of its hateful overtones.]
Mardi dernier quatorze juillet, une fois de plus, la Marseillaise a retenti un peu partout. C’est le jour où les hommes politiques s’essayent à l’entonner, juste ou (plus souvent) faux. On peut s’imaginer, en fait on espère, qu’ils sont ici et là un peu gênés. “D’un sang impur, abreuve les sillons!“. Vraiment ? Qu’est-ce qui rend un sang si impur que tout bon patriote ait le devoir de le faire jaillir ?
Certes, c’est arrivé, il y a trois quarts de siècle, quand on a soudain avisé des centaines de milliers de Français que leur sang était désormais classé non conforme. Il y a quelques autres épisodes de ce genre dans l’histoire du pays ; ce ne sont pas — pour dire les choses poliment — les plus reluisants, et certainement pas ceux que le chant national devrait glorifier.
À entendre ces jours-ci une petite tête blonde de sept ans chanter (juste) le sang impur qui doit abreuver les sillons, je me suis demandé quelles pensées ces slogans pouvaient bien éveiller pour les enfants des écoles à qui l’on enjoint de les répéter en choeur. Et l’étendard sanglant ? Et les tyrans (Matteo Renzi ? Mario Draghi ?) qui nous envoient leurs féroces soldats non seulement mugir mais, jusque dans nos bras, égorger nos fils, nos compagnes?
Il est temps de réformer ce chant raciste et haineux. Qu’il ait joué son rôle n’est pas la question. La révolution avait ses ennemis, elle se défendait. Quand nous l’invoquons aujourd’hui, cette révolution, ce n’est pas à Robespierre et à l’assassinat de Lavoisier (la république n’a pas besoin de savants) que nous devrions faire appel, mais à son message de liberté et de fraternité. Assez de sang, de batailles, de férocité. Place à ce qui nous définit vraiment aujourd’hui.
Il ne s’agit pas de changer tous les ans d’hymne national en réponse aux modes. Il sera toujours, par nature, un peu déphasé. Mais après deux cent treize ans de Marseillaise, dont cent trente-six ans de service continu comme chant officiel du pays, il est temps de se séparer des relents les plus honteux de son texte d’origine. La musique restera, assez bonne pour avoir été reprise par Schumann, Tchaikowsky, Beethoven, Rossini et bien d’autres ; mais les paroles doivent être adaptées à ce qu’est la France moderne, tournée vers l’avenir.
Seuls les peuples faibles ne savent s’unir qu’à travers la détestation des autres. Leurs chants sont emplis de rejets et de négations. Les peuples forts s’appuient, eux, sur des images positives. Quelle formule projette le mieux l’attitude fière d’une nation confiante en son avenir : “contre nous, de la tyrannie“, ou “avec nous, la démocratie” ? “Un sang impur” ou “nos coeurs purs” ? “Égorger” ou “admirer” ?Jugez-en.
Il existe des Marseillaises alternatives, mais souvent elles ne sont que le miroir de la première, avec leurs propres excès ; voir par exemple cette version sympathique de prime abord mais d’un anti-militarisme qui ne peut que diviser encore. Point n’est besoin de remplacer les anciens cris par des insultes nouvelles.
La version qui suit — chantable, respectant la métrique, et dont je fournirai les autres couplets si elle provoque autre chose que des invectives — a un tout autre but : non pas diviser, mais réunir ; attiser non pas les différences mais les affinités ; et permettre à chacun de la chanter à pleine voix : sans honte ; au contraire, avec fierté.
Allons enfants de la patrie
Le jour de gloire est arrivé
Avec nous la démocratie
L’étendard vaillant est levé (bis)
Entendez-vous, dans les campagnes,
Frémir tous ces peuples envieux ?
Ils viennent, jusque sous nos cieux,
Admirer nos villes, nos montagnes.
(Refrain)
Ensemble, citoyens !
Renforçons notre union !
Que nos cœurs purs
Vibrent à l’unisson.